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Les Raisins de la colère (le film)

24 Février 2008 Publié dans #Cinéma d'hier et d'aujourd'hui

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Le réalisateur John Ford n’a pas tourné que des westerns dans sa carrière.

En effet, on lui doit, entre autres, l’adaptation du roman de John Steinbeck, Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath), film sorti en 1940, avec, en vedette, Henry Fonda (Tom Joad) et récompensé par deux oscars en 1941.

 

A travers le destin de la famille Joad, des fermiers d’Oklahoma, Ford met en scène la crise économique des années 30, l’érosion des sols à l’origine du « Dust Bowl » qui emporte les récoltes et les dettes sous lesquelles ils croulent et qui les contraint à la misère et à l’errance, chassés qu’ils sont de chez eux par les banques.

 

 Ce faisant, il dépeint aussi la fin de la société rurale et familiale sur laquelle les Etats-Unis s’étaient construits ; même la Californie, pensée comme une nouvelle « Terre Promise » est loin de tenir les espoirs que l’on mettait en elle ; seuls les enfants sont à même de s’émerveiller devant les facilités de la vie moderne, tournant sans regret le dos à l’ancien monde, par exemple, quand ils admirent les lavabos modernes du camp installé par le gouvernement. La Californie, est, en quelque sorte, la fin du rêve d’Eldorado, mais aussi, par sa « modernité », le symbole même de la fin de l’Amérique traditionnelle et rurale.

 

La fin du monde est décrite à travers ces tracteurs qui écrasent les fermes, le pasteur (joué par John Carradine) qui a perdu la foi et ne croit plus en Dieu, la famille qui se disloque (décès des grands-parents touchés à mort par la perte de leur terre), la misère des Joad qui s’entasse sur un vieux camion. Le jeu même des acteurs y contribue en opposant les « modernes », Henry Fonda, Jane Darwell (qui obtiendra l’oscar du meilleur second rôle féminin, à juste titre, car elle est vraiment « charismatique » dans ce film) et d’autres acteurs plus âgés et qui jouent encore comme dans les films des années vingt (expression verbale et gestuelle exagérée) et qui donnent vraiment, au début, un aspect vieillot au film (surtout que le doublage français, utilisant l’argot des années 30, a bien vieilli aussi et aurait besoin d’être refait).

 

Face à eux, c’est tout un monde hostile que dépeint Ford : la ville étale son opulence pour mieux mettre en valeur la misère des Joad (quitte à gommer les effets de la crise sur les villes), le suspicion qui les accompagne partout (barrages policiers, fouilles …), accusations d’être des « Rouges » alibi commode pour faire la chasse aux pauvres, exploitation par des patrons peu scrupuleux qui ont, derrière eux, la loi et l’ordre policier, quitte à user de milices privées et qui jouent sur le fait que, grâce à la misère, on peut faire pression sur les salaires et les tirer vers le bas sans qu’il n’y ait de révolte générale. Comme le dit l’un des personnages, même s’ils payent la cueillette des oranges à 2,5 cens au lieu de 5, il y aura toujours des gens qui accepteront, parce qu’ils n’ont, tout simplement, pas d’autre choix pour survivre.

Il montre ainsi les injustices dont sont victimes les déclassés de la société, ceux qui ne pourront jamais refaire surface et qui sont abandonnés à leur sort, vaincus par la modernité.

 

Deux figures, érigées en symboles presque "hugoliens" ressortent de ce film:

 

- celle de Ma Joah (Jane Darwell), qui, cachant sa peur, ses angoisses et sa nostalgie tente d’être l’âme qui anime sa famille ; sa détermination est sans faille et dans la dernière scène du film elle fait cette déclaration : « Ils ne peuvent pas nous anéantir, ils ne peuvent pas nous écraser. Nous continuerons pour toujours Pa, parce que nous sommes le peuple », constituant comme une figure fière et tragique annonçant une improbable révolte.

 

- celle de Tom Joad (Henry Fonda), qui, au début du film sort juste de prison pour homicide et qui doit, à nouveau, se séparer des siens, parce que sa révolte contre la misère et l’injustice l’a amené à commettre un autre meurtre.

En quittant les siens, il s’élève en valeur de symbole, lui aussi, déclarant : « Un homme n’a pas d’âme qui lui est propre, juste un petit morceau d’une grande âme, et cette grande âme appartient à tout le monde […] Je serai partout dans l’obscurité. Je serai partout où que tu regardes. Là où il y a un combat pour que les gens puissent manger, je serai là. Là où un flic frappe un homme, je serai là », déclarant la guerre à l’injustice et devenant une sorte de pasteur laïque.

C’est en souvenir de Tom Joad que Bruce Springsteen réalisa en 1995 un album intitulé The Ghost of Tom Joad.

 

NB : historiquement, il est bon de rappeler, tout de même, même si cela n’enlève rien à leur situation dramatique, que l’histoire des Oakies ne reflète pas la situation de l’ensemble des paysans américains puisque dès 1932, la majorité des travailleurs agricoles reçut des aides de l’état. Le cas des familles de l’Oklahoma était donc exceptionnel.

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T
Le plus beau film de Ford, la plus belle interprétation de Fonda !
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