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Aristide Briand, 03 novembre 1915

2 Août 2014 Publié dans #Déclarations ministérielles

11ème législature (1er juin 1914 - 19 octobre 1919)

 

Déclaration ministérielle d'Aristide Briand qui présente son gouvernement à la Chambre des députés, le 03 novembre 1915.

 

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Messieurs les députés,

 

Vous n’attendez pas de nous une longue déclaration. Nous sommes en guerre ; l’heure est aux actes. C’est vers l’action que doivent être tendus tous les ressorts du Gouvernement.

Des décisions claires, nettes et rapides ; une exécution prompte, dégagée des vaines formalités, exempte de toute hésitation, de toute incertitude : c’est à quoi nous appliquerons nos esprits et notre énergie.

La tâche essentielle du Gouvernement est d’utiliser, en les groupant en vue de la guerre, toutes les forces vives de la nation ; de combiner, d’associer à cet effet les efforts de tous les services publics. C’est par l’étroite, l’incessante coopération de toutes les bonnes volontés que sera obtenue la victoire.

Chacun à sa place, obéissant à l’impulsion du Gouvernement, doit accomplir sa tâche. Tout manquement à la discipline commandée par l’intérêt vital de la Patrie sera, sans retard, énergiquement réprimé. Les responsabilités une fois établies, toute faute, toute défaillance, sera suivie d’une sanction.

C’est sur ce programme qu’à été constitué le Gouvernement qui se présente devant vous. Il est formé à l’image de la nation même qui, d’instinct, a réalisé entre tous les citoyens l’union la plus complète, face à l’ennemi.

Des hommes venus de tous les partis, oublieux de la diversité des opinions qui a pu autrefois les séparer, se sont rapprochés avec pour unique préoccupation la défense nationale et pour but la victoire.

Jamais la France n’a eu une armée plus digne de vaincre.

Le Gouvernement, avec l’aide des Chambres, doit fournir tous les moyens à ces héros que nous saluons avec émotion et fierté. Soldats et chefs, réunis dans une mutuelle confiance, rivalisent de courage, d’abnégation dans le service de la patrie, déployant dans les tranchées, comme sur les champs de bataille, les plus hautes qualités de notre race. Chaque jour, leur bravoure ajoute un rayon de plus à l’auréole de gloire de la France. Jusqu’à ce que le but assigné à leur vaillance soit atteint, ils lutteront pleinement confiants dans la maîtrise du grand chef qui les conduit et partageant sa foi tranquille dans le succès final.

Avec une telle armée commandée par un tel chef, avec une marine qui la seconde si efficacement, toutes les espérances sont permises. Aussi le pays, sûr de la conclusion de cette guerre, en suit-il les péripéties avec une sérénité et un sang-froid imperturbables. Son stoïcisme s’est montré prêt à toutes les épreuves, mêmes les plus douloureuses, même les plus cruelles. Cette haute tenue morale, gardée pendant quinze mois, appelle le Gouvernement à envisager la question de la censure. Cette question doit recevoir une solution, recherchée depuis déjà quelques temps, rendue possible par le souci élevé qu’à la presse d’accepter, dans l’intérêt de la défense nationale, le contrôle qu’elle a elle-même demandé. Le Gouvernement, avec la collaboration de la presse, trouvera, pour l’application des lois, les conciliations nécessaires dans une démocratie entre la liberté et l’autorité.

En même temps que l’opinion nationale, nous tirerons notre force de votre confiance qui est la source de notre autorité. Nous faisons appel à votre concours ; il nous sera précieux. Nous savons que votre préoccupation est de seconder l’action du Gouvernement. De son côté, celui-ci est prêt à accomplir toute sa tâche, à assumer toutes ses responsabilités. Il aura à cœur de faciliter votre contrôle sur ses actes. Il saisira toutes les occasions de vous éclairer en vous communicant, par le moyen d’une collaboration régulière, soit avec vos commissions, soit directement avec vous, tous les renseignements auxquels vous avez droit. Ainsi continuera à s’affirmer l’union de la nation, du Parlement et du Gouvernement.

C’est par elle que nous conduirons la guerre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la victoire qui chassera l’ennemi de tous les territoires envahis, de ceux qui souffrent de l’invasion depuis plusieurs mois comme de ceux qui la subissent depuis tant d’années.

La France n’a pas troublé la paix ; résistant à toutes les provocations, elle a tout fait pour la maintenir. C’est une agression préméditée, qu’aucun sophisme ne parviendra jamais à justifier, qui lui a imposée la guerre. Elle l’a acceptée sans peur et elle ne s’arrêtera dans la lutte que lorsque l’ennemi aura été réduit à l’impuissance. La France ne désarmera qu’après la restauration du droit par la victoire et quand elle aura obtenu toutes les garanties d’une paix durable.

Ce but, les nations alliées l’atteindront par la pratique d’une étroite solidarité. Chaque jour, se resserre leur union que vient de renforcer l’adhésion du Japon à l’accord du 5 septembre 1914 par lequel les puissances ont contracté l’engagement solennel de ne pas conclure de paix séparée.

Mais nous estimons que la coordination des efforts des nations alliées peut et doit se faire encore plus complète et surtout plus prompte. Si malaisée qu’elle soit à établir sur des théâtres si variés et si distants, nous sommes résolus à la réaliser par des rapports plus fréquents, par des contacts de plus en plus intimes.

Déjà les voyages du général Joffre en Italie et en Angleterre, l’accueil qui lui a été fait, les décisions arrêtées entre états-majors ont permis aux puissances alliées de mieux concerter leur action présente et prochaine.

Répondant à l’appel de la Serbie, la France, dès la première heure, est allée à son secours. Nous nous sommes pleinement mis d’accord avec le gouvernement britannique sur la conduite des opérations militaires dans les Balkans. La France et ses alliés n’abandonneront pas cette héroïque nation dont la résistance fait l’admiration du monde.

L’entreprise actuelle de l’Allemagne dans les Balkans atteste l’insuccès de ses efforts sur les théâtres principaux des hostilités. C’est parce que son offensive est brisée et sur le front français et sur le front russe qu’elle tente cette diversion. Elle cherche par là à tenir en haleine l’opinion mondiale, à qui tant de mois passés sans les résultats annoncés par une propagande effrénée, commencent à révéler des indices de faiblesse sous une apparence de force. Ces espoirs seront déçus. Les empires du centre pourront reculer leur défaite ; ils ne l’empêcheront pas.

Quant à nous, nous sommes décidés à aller jusqu’au bout ; nos ennemis n’ont pas à escompter de notre part ni lassitude, ni défaillance.

Après avoir mesuré notre tâche, et si rude qu’elle soit, nous entendons la poursuivre jusqu’à son aboutissement nécessaire.

Nous avons la volonté de vaincre, nous vaincrons.

 

L’ordre du jour de confiance, déposé par les députés Daniel Vincent, Delaroche-Vernet, Jean-Louis Dumesnil, Siegfried et Lenoir (« La Chambre, approuvant les déclarations du gouvernement et confiante en lui, passe à l’ordre du jour ») est adopté par 515 voix contre 1.

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