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Tant qu'il y aura des hommes

30 Avril 2021 Publié dans #Cinéma d'hier et d'aujourd'hui

 

Tant qu'il y aura des hommes (From Here to Eternity), film qui fut récompensé par huit oscars, a été tourné en 1953 par Fred Zinnemann, réalisateur du Train sifflera trois fois, sorti l'année précédente; il s'inspire d'un roman de James Jones, du même nom, paru en 1952 et réunit une pléiade de stars de l'époque: Burt Lancaster, Montgomery Clift, Déborah Kerr, Frank Sinatra, notamment.

L'histoire se déroule dans la caserne de Schofield, à Hawaii, en 1941, et se termine par l'attaque japonaise sur Pearl Harbor; elle raconte l'histoire d'un soldat nouvellement muté à la caserne, Robert Lee Prewitt (Montgomery Clift), premier clairon et ancien boxeur, soumis aux pires corvées et vexations parce qu'il refuse de se battre pour son bataillon (il a rendu son meilleur ami aveugle lors d'un précédent combat et, depuis, a raccroché les gands) à la grande colère du capitaine du régiment qui compte sur la victoire de son équipe au championnat régimentaire pour assurer sa promotion à un grade supérieur.

S'il peut paraître de prime abord emprunt d'une tonalité patriotique forte (qu'il y a-t-il de plus patriotique, en effet, qu'un soldat comme Prewitt qui, bien que déserteur et assassin, cherche, malgré tout, à rejoindre clandestinement son unité pour combattre parmi ses camarades de fortune et d’infortune ?), ce film n'en est pas moins un réquisitoire contre les mœurs brutales et le délabrement moral des institutions militaires.
Ainsi la vie militaire apparaît-elle comme un espace clos avec ses propres règles et sa propre justice, de la loi martiale à la cour martiale, et comme un lieu d'exploitation et d'oppression par l’hyper-structuration de toute activité au nom du maintien de la loi et de l’ordre.
Emblématiques sont, à cet égard, le sort subit par Prewitt, mais plus encore celui d'Angelo Maggio (Frank Sinatra), soldat râleur, insubordonné et porté sur la boisson, qui meurt après les sévices que lui a fait endurer le sergent du camp disciplinaire, "Gras-Double", espèce de brute sadique qui finit poignardé par Prewitt.

Cependant (mais pouvait-il aller plus loin dans le contexte de l'époque qui est celui de la Guerre froide et de la guerre de Corée ?), Zinnemann ne signe pas un film anti-militariste, loin de là, reconnaissant à l'armée une utilité "sociale" :
- pour certains, elle est un substitut à la vie familiale qu'ils n'ont pas eue et leur offre une structure physique, psychique et sociale
- pour d'autres, elle est un moyen de gagner un statut social honorable
- la scène où Prewitt sonne en pleine nuit du clairon pour rendre un dernier hommage à Maggio, exalte la camaraderie militaire.
De plus, l'attaque sur Pearl Harbor, en final, apparaît soudain comme un formidable hommage à tous ces hommes qui eurent à combattre durant la Seconde guerre mondiale.
Enfin, le destin absurdement tragique de Prewitt (il est abattu par erreur alors qu'il cherchait clandestinement à rejoindre son unité pour combattre à ses côtés, confondu avec un espion japonais) fait d'ailleurs écho, à mon avis, à tous ces destins qui, absurdement, vont se clore durant la guerre (From Here to Eternity).

Il n'en reste pas moins que ce film est aussi l'occasion de dépeindre la vie oisive des militaires à Hawaii avant Pearl Harbor, avec ses casernes et ses bordels où les soldats traînent leur désoeuvrement, mais il est aussi, malgré son côté "militariste", un message destiné à rappeler qu'aucune institution, si dure, injuste et cruelle soit-elle, ne peut broyer ce fond d'humanité qui reste en chaque homme.

Enfin, ce film est resté célèbre pour quelques scènes comme le baiser qu'échangent Burt Lancaster et Deborah Kerr sur la plage et qui fit scandale à l'époque, le solo de Montgomery Clift à la trompette sur "re-enlisted man blue" ou la sonnerie pour la mort de Maggio.
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