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Sergent/Boswell

27 Décembre 2008 Publié dans #Homosexualité (actu - people - coups de gueule ...)

 (Serge et Bacchus, icône du VIIè siècle apr JC)


Dans les années 1980, l’historien Bernard Sergent, continuateur de Georges Dumézil et de Claude Lévy-Strauss, a publié deux ouvrages, « l’homosexualité dans la mythologie grecque » (1984) et « l’homosexualité initiatique dans l’Europe ancienne » (1986).

Il y explique que l'homosexualité pratiquée dans les cités grecques est de la pédérastie, un rituel commun à toutes les civilisations primitives et antiques, associant un éraste (l'adulte sexuellement actif) et un éromène (le pré-ado ou l’ado sexuellement passif), et que c’est une institution de caractère initiatique et pédagogique très contraignante puisqu'elle impose une rigoureuse distribution des rôles sexuels et leur remise en question au moment du passage à l'âge adulte, sous peine d’une forte réprobation sociale, comme je l’ai déjà expliqué dans un article précédent en citant Platon, ce qui cadre peu avec le concept moderne d’homosexualité telle que nous la définissons aujourd’hui.

C’est aussi ce qu’ont souligné avant lui des psychanalystes et ethnologues, tels Georges Devereux qui, à la fin des années 60, proposait d’utiliser le terme de « pseudo-homosexualité » pour parler de la pédérastie grecque, marquant par cette expression le caractère spécifique de l’homosexualité grecque, qui a pour objet, l’acquisition de la différence des sexes et le mariage (là, j'en connais qui vont friser la crise cardiaque, lol).

Du reste, comme le signalent un certain nombre d’auteurs contemporains, « Si la terminologie tripartite (hétéro/ homo/ bisexualité) a correspondu à un état des mœurs au XXe siècle, elle commence à montrer les limites de ce qu’elle prétendait englober. Ce caractère éphémère du terme de « sexualité » suggère que, parfois presque déjà dépassé en l’an 2000, il risque bien d’être encore plus inadéquat il y a 2000 ans » : « Il n’y a pas en effet de réalité transhistorique de l’hétérosexualité ou de l’homosexualité, tout simplement parce qu’il n’y a pas de réalité transhistorique de la sexualité » (Clio revue, 2005). 

C'est ce qu'explique aussi David Halperin historien helléniste et théoricien queer (Cent ans d’homosexualité et autres essais sur l’amour grec, 2000), lorsqu'il dit que l’homosexualité présuppose l’existence de la sexualité, qui elle-même suppose l’existence d’un comportement articulé à un discours sur la distinction sexuelle. Or, on ne peut trouver dans l’Antiquité classique rien de comparable avec ce que nous appelons couramment l’hétérosexualité et l’homosexualité.

A cette vision des choses, s’oppose clairement ou plutôt s’opposait clairement la vision de John Boswell, décédé du sida en 1994. Dans « Christianisme, tolérance sociale et homosexualité » (1983) et « Les unions du même sexe dans l’Europe antique et médiévale » (1996).
Dans ces ouvrages, il se pose en militant de la cause gay, quitte à distordre l’histoire, porté qu’il est par une hypothèse invérifiable qui consiste à repérer dès l’époque romaine une minorité homosexuelle, qu’il appelle un groupe de gays.
Sa démarche consiste donc à initier une « gay history » ou encore une « gay science », au prix d’inévitables distorsions et simplifications historiques en utilisant des termes ou des catégorisations de la sexualité moderne qui ne peuvent être projetés dans le temps, ni dans l’espace pour s’appliquer à d’autres cultures.

Ainsi, « il se laisse à son tour enfermer par les catégories contemporaines lorsqu’il parle de manière univoque d’homosexualité sans prendre garde au fait que le terme désigne une réalité de psychologie et de comportement spécifique des cultures modernes » (Clio revue, 2005).
Ainsi, lorsqu’il cherche à pister toutes les sources de l’homo-érotisme antique, textes, vases, etc. (sans procéder, pour autant à une analyse critique des scènes représentées ou comprendre que le rituel pédérastique doit bien trouver le moyen de « convaincre » la société d’y participer en la conditionnant, y compris par textes et représentations iconographiques) ; ainsi lorsqu’il cherche à prouver l’existence d’unions du même sexe (la traduction française dit « unions homosexuelles ») qui remonteraient au monde romain et qui auraient perduré jusqu’au XIVè siècle, même au sein de l’Eglise, surtout orthodoxe, à travers le rite de l’adelphopoiesis (littéralement cérémonie qui consiste à « faire frères » deux individus du même sexe).

Or, l’exemple de l’adolphopoiesis montre à quel point on peut détourner l’histoire au profit d’une idéologie : en effet, ces cérémonies sont courantes, très connues des médiévistes et ne prêtent guère à caution ; elles n’ont aucun caractère sexuel et même pire semblent les écarter pour de bon puisque, établissant un lien spirituel entre les deux personnes et les faisant comme frères, toute relation charnelle entre eux ne pouvait être qu’aggravante parce que constituant un inceste.
D’ailleurs, beaucoup lui reprochent ses traductions approximatives et tendancieuses des textes.

Pourtant, Boswell n’hésite pas à faire de la naissance du culte de saint Bacchus et de saint Serge, qui étaient deux soldats vivant ensemble avant d'être deux martyrs chrétiens le modèle de l’adolphopoiesis, jusqu’à le retrouver évoqué... dans les liturgies d'«union du même sexe» au cours du Moyen Age.

« On peut se demander si ce n'est pas Boswell, au contraire, qui a forcé le trait, en voulant à tout prix donner aux homosexuels, au risque de l’inventer, un passé respectable et religieux qui puisse rendre légitimes leurs revendications actuelles. Ce qui n'est peut-être pas le meilleur service à leur rendre » (Didier Eribon, Le nouvel Obs, octobre 1996).  En effet, si Eribon est un net partisan de la "visibilité" des homos, on note significativement que son "Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes" ne commence qu'au XIXè siècle, afin d’éviter tout anachronisme concernant le concept d’homosexualité, qui ne saurait s’appliquer aux époques antérieures.

Mais là où on se marre vraiment, c’est lorsque l’on voit sur un autre blog le documentaire de la chaîne Planète reprenant les thèses de Boswell et présentant la pédérastie grecque avec, en illustration, des modèles de plus de 18 ans !!! Jusqu’où ne va-t-on pas dans la contre-vérité historique pour défendre la cause ! et la rendre politiquement correcte !

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