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L'âne de la mule

7 Janvier 2009 Publié dans #Quand je fais un effort pour écrire - cela donne...

Petite fable de ma composition et sans prétention, juste pour le fun:

Il était aux temps jadis, au pays de Candie,
Une mule à l’œil si vif et si clair et tant mutine
Et galante cabotine
Que même saint Pierre en son Paradis
En eût été bien égayé.
Chaque jour, elle allait
– où n’allait pas –, au grès de ses caprices,
(C’était bien là de son espèce le vice),
portant sur son dos,
Quelque charge ou quelque fardeau
Aussi légère et agile que le plus cabot des chats.

C'est ainsi, que, par un beau matin,
Allant par les chemins cahin-caha,
Elle rencontra un âne mutin.
On dit pourtant cet animal des plus placides,
Mais, ce matin-là, cet âne-là,
- Allez savoir pourquoi ? - avait l'âme acide
Et agonisait follement son maître de braiements sarcarstiques.

Il faut cependant bien dire à sa décharge, que l'étuvier Surveilla,
Son bon maître, n'était pas des plus sympathiques.
On le disait, en effet, chiche-face et pleure-pain
Quoique les poches bien garnies
D'écus tous fleuris,
Toujours prêt à tirer avantage de son prochain,
Et ce n'était jamais que maigre et triste pitance de picotin
Que recevait le pauvre baudet
Malgré toute cette d'eau qui débordait des baquets
Et qu'il portait continuement aux bains.

- Ah, la mule, ma commère, tirez donc un peu ici !
S'écria l'animal courroucé,
Et venez donc quelques instants, de concert avec moi, glousser
et prendre votre partie
De ce maître avaricieux et sans coeur
Qui, ridicule en tous points,
S'arrache présentement le crin avec ardeur,
De ne pouvoir me faire avancer d'un point.

L'âne et la mule étant comme d'espèces voisines,
Il ne fallu point tant entre eux de fascines;
La mule en sa superbe,
Flattée qu'on l'invitât à brouter de nouvelles herbes,
S' avança gaillardement
Et leur entente se scella naturellement.
C' est donc de partie
Que le compère et la commère
donnèrent le tournis
A l'étuvier amer.

Il ne fut plus question que de moqueries,
mauvaises farces, harangues et chicaneries,
pour le faire damner à perdre la raison
et verser des larmes à foison.
La mule, pour ne point être en reste,
N'était point la dernière
A faire vivre cette saynète
De première.
Pourtant, il faut croire que le spectacle
N'avait point encore touché à ce degré de perfection
Qui excite les plus vifs applaudissements de la claque;
C'est ce qui décida les deux fripons.
Et, par une cruelle ironie du sort, quelques bonds,
Quelques rebonds,
Et quelques ruades fort adroitement placées,
Ils firent choir moult baquets
Qui bien baignèrent le pauvre imbécile
Qui n'en demandait point tant:
Des pieds à la tignasse, en passant par les sourcils,
Le voici tant mouillé et vaseux qu'un étang
Et, comme il se reculait sans rien voir,
De force forcé, il trébucha si bien en arrière,
Qu'il fit bien bellement choir,
Au fond d'un cuvier d'eau froide son flasque derrière.

Hélas, les farces sont de courtes durées,
Et maître Surveilla jura de se venger.
Un jour, comme la mule rendait visite à l'âne,
- Il s'était renseigné sur la manne
Qu'il pourrait tirer de la vente d'un si bel animal,
Quelques écus qui viendraient grossir sa bourse sans mal -,
Il voulut s'en saisir par surprise
Et commença à mettre en oeuvre le plan qu'il avait conçu
Si tant est qu'il fût ardu,
Pour s'assurer de la prise.

Mais, l'âne, point si stupide qu'on le dit,
Et n'ayant point l'âme optuse,
Perçut en un instant la ruse,
et, comme s'il était devenu cabri,
Il bondit ! et bondit ! et bondit !
A n'en plus finir, comme un beau diable déchainé !
La mule circonspecte et un brin étonnée,
Ne vit point ce suivit:
Et c'est au fond d'un filet de pêche
Qu'il avait tendu lui-même, que finit l'étuvier revêche;
Quelques coups de sabot achevèrent
De régler son sort sur la Terre.

- Ah, Messire Baudet, vous m'avez sauvé la vie,
J'en suis toute chose ! dit la mule.
Et c'est ainsi que l'on vit par le pays,
L'âne de la mule,
Au milieu d'un champ de carottes, recevoir mille grâce
En remerciements.

On ne sait pourquoi, ni par quel grâce,
Ou quel ensorcèlement,
Mais, depuis, à ce qu'il parait,
Tous les ânes du Marais
Rêvent tous de devenir l'âne de la mule,
Heureux compère
Et heureuse commère
De faire tant d'émules.
Copyright Jerem 07/01/09
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