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Jugement à Nuremberg (le film)

31 Octobre 2007 Publié dans #Cinéma d'hier et d'aujourd'hui



Jugement à Nuremberg (Judgment at Nuremberg) est un film de plus de 3 heures, injustement méconnu, tourné en 1961 par Stanley Kramer qui examine la question, sans aucun manichéïsme, de la complicité individuelle dans les crimes commis par l'Etat à travers le procès de 4 juges qui exercèrent sous le nazisme, procès qui se tient en 1948, au moment du Blocus de Berlin.

A travers le cas de Petersen, stérilisé pour déficience mentale et le cas Feldenstein (inspiré d'un fait réel, l'affaire Katzenberger) où un Juif, soupçonné d'avoir eu des relations sexuelles avec une jeune Allemande en dépit des lois de Numremberg, a été condamné à mort sur de simples suppositions et des témoignages sujets à caution, c'est d'abord l'attitude de la magistrature allemande qui est jugée.

Mais, au-delà, c'est aussi un film qui examine les responsabilités de chacun: le peuple allemand dont l'attitude du "On ne savait pas" n'est pas tenable, dit le film, même si son basculement dans le nazisme est bien expliqué, celui des démocraties et de ses hommes politiques (l'avocat de la défense cite, à cet égard, un propos de Churchill datant de 1938 et plus que favorable à Hitler).
Le film examine aussi le cas de l'eugénisme, dont l'avocat, citant un arrêt de la Cour suprême de Virginie, montre qu'il ne fut pas une spécificité nazie ou encore la responsabilité des entreprises américaines dans le financement du nazisme qui est mentionnée (comme quoi, dans ces deux cas, on le savait depuis longtemps contrairement à ce qu'on a essayé de nous faire croire il y a quelques années puisque le film date de 1961).
De même, la responsabilité de la firme IG-Farben est clairement mentionnée à la fin du film avec une pointe d'amertume quand à la faible condamnation dont elle écope (NB: ses responsables sont libérés en 1952, avec l'aide de Rockfeller, leur ancien associé en affaires).
Petit excès cependant, mais que l'on pardonnera au réalisateur, tant les images sont poignantes, c'est la diffusion d'un film sur les camps d'extermination et de concentration alors qu'aucun des accusés n'est entendu pour une affaire de déportation dans les camps.

Enfin, le film pose aussi la question de l'attitude à adopter vis-à-vis des criminels de guerre alors que s'engage la Guerre froide et que le procès se déroule en plein Blocus de Berlin: peines légères pour se concilier les Allemands et récupérer l'anticommunisme de certains jugés pour les utiliser contre l'URSS ou peines plus lourdes qui correspondent réellement à leurs responsabilités?
Kramer le souligne, la première position l'emporta, même si le juge prononce des peines de perpétuité, et il le regrette lorsqu'il mentionne qu'en 1961, plus aucune des personnes jugées à Nuremberg n'était encore détenue en prison (il oubliait juste Hess).
Cependant, Kramer montre aussi que s'il regrettait cette clémence, il n'a en rien d'animosité contre le peuple allemand à travers de nombreuses scènes qui montrent sa sollicitude envers lui, la culture allemande, la volonté d'entretenir des rapports dépassionnés...
Vraiment, je regrette que ce film soit aussi méconnu: c'est une injustice qu'il faudrait réparer.

A noter des acteurs talentueux au générique: Spencer Tracy, Montgomery Clift, Burt Lancaster, Marlène Dietrich et que le film remporta deux oscars: meilleur acteur (Maximilian Schell) et meilleur scénario alors que d'autres acteurs du film firent aussi parti des nommés sans obtenir de statuette, comme Montgomery Clift qui en moins de 8 minutes, réussit une performance qui lui valut la nomination pour le meilleurs second rôle. Il faut dire que l'épave qu'était devenu Clift à cette époque, collait parfaitement au personnage de Petersen qu'il devait incarner (il dut même improviser son texte à partir des grandes lignes car il n'était plus capable de mémoriser complétement son rôle); à cet égard, on ne saurait que trop conseiller pour ce passage, la VO sous-titrée car le doubleur français est vraiment médiocre sur le coup, ne rendant vraiment pas l'immense intensité de la scène telle qu'elle est jouée par Clift.

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