Chute du ministère Briand
Sans qu'il y ait pourtant de cause à effet, le gouvernement d'Aristide Briand n'aura guère survécu à la mort subite du général Jean Brun le 23 février.
(Aristide Briand)
Dans l'après-midi du 24 février, il dut subir de rudes attaques émanant de la majorité républicaine à propos de la législation contre les congrégations religieuses jugée insuffisante et appliquée de façon trop laxiste au cours d'une séance à la Chambre qui a duré plus de six heures.
C'est le député de l'Aube, Paul Meunier et celui du Lot, Louis Malvy, qui ont sonné la charge, fustigeant les faibles peines prononcées par la justice ou la reconstitution clandestine d'établissements d'enseignement religieux dissous, et ce n'est que de justesse (296 voix contre 221) que la mise en priorité à l'ordre du jour de l'application intégrale des lois du 1er juillet 1901 et du 7 juillet 1904 fut repoussée, et quand fut venu le moment d'adopter un ordre du jour comportant la confiance dans l'action du gouvernement, les choses se gatèrent encore plus.
Il est vrai que président du Conseil avait mis sa majorité au défit en demandant aux députés de la majorité qui n'appouveraient pas sa politique de ne pas le soutenir.
La première partie, "la Chambre approuvant les déclarations du gouvernement, confiante en lui pour assurer l'application des lois du 1er juillet 1901 et du 7 juillet 1904, et repoussant toute addition, passe à l'ordre du jour" est adopté à 262 voix contre 238, (24 voix d'écart) et quand vint le vote sur l'ensemble de l'ordre du jour, la majorité tomba à 258 voix contre 242 (16 voix d'écart seulement).
Le gouvernement, réuni dans la nuit, en accord avec Monsieur Briand, jugea qu'il n'était plus en mesure de gouverner avec une partie importante de la majorité qui lui est désormais hostile. Il remit sa démission au président de la République le 27 février, après une ultime réunion à l'Elysée.
Il est vrai que la plupart des lois que le gouvernement avait déposées (loi contre le sabotage, loi sur la sécurité des convois sur les voies ferrées, loi interdisant le droit de coalition aux travailleurs des chemins de fer) s'étaient retrouvées enlisées en commissions par le mauvais vouloir de la majorité qui faisait tout pour en entraver l'adoption.
A l'issue des consultations entreprises par le président Fallières, c'est le sénateur radical de la Gironde, Ernest Monis,
ancien ministre de la justice dans le gouvernement Waldeck-Rousseau qui présenta la loi su 1er juillet 1901 sur les associations qui a été chargé de former le gouvernement.
Celui-ci est formé le 02 mars 1911 et se compose comme suit:
- Président du Conseil, ministre de l'intérieur et des cultes: Ernest Monis
- ministe de la justice: Antoine Périer, sénateur de Savoie
- ministre des affaires étrangères: Jean Cruppi, député radical de Toulouse et ancien ministre
- ministre des finances: Joseph Caillaux, député radical de la Sarthe, ancien ministre
- ministre de la guerre: Maurice Berteaux, député radical de Seine-et-Oise, ancien ministre
- ministre de la marine: Théophile Delcassé, député radical de Foix, ancien ministre
- ministre de l'instruction publique et des beaux-arts: Théodore Steeg, député radical de la Seine, pour la première fois ministre
- ministre des travaux publics et des postes et télégraphes: Charles Dumont, député radical du Jura, première fois ministre
- ministre du commerce et de l'industrie: Alfred Massé, député radical de la Nièvre, première fois ministre
- ministre de l'agriculture: Jules Pams, sénateur des Pyrénées-Orientales, première fois ministre
- ministre des colonies: Adolphe Messimy, député radical de la Seine, première fois ministre
- ministre du travail et de la prévoyance sociale: Joseph Paul-Boncour, député républicain socialiste de la Seine, première fois ministre
Sous-secrétaires d'Etat:
- à l'intérieur: Emile Constant, député radical de la Gironde
- à la justice: Louis Malvy, député radical du Lot
- aux beaux-arts: Henri Dujardin-Beaumetz, député radical de l'Aude en poste depuis 1905 à ce sous secrétariat d'Etat
- aux postes et télégraphes: Charles Chaumet, député radical de la Gironde.
On notera qu'Ernest Monis semble avoir été choisi en raison de son rôle en 1901 dans la loi sur les associations, que nombre des ministres nommés ont voté en faveur de la séparation des Eglises et de l'Etat, que Louis Malvy, le tombeur de Briand, est récompensé par un sous-secrétariat, que le président du Conseil semble ouvert à la question sociale, avec l'entrée de Paul-Boncour au gouvernement et qu'il a confié la marine à Delcassé qui s'en est fait une spécialité (c'est lui qui fit, sur le sujet de notre marine, chuter Clemenceau en 1909) et la guerre à Berteaux, non-militaire et spécialiste des questions de défense. Certains des nouveaux venus (Steeg, Paul-Boncour, Malvy furent ensuite des figures de la IIIème République, même si aujourd'hui leur nom est bien oublié).
Le 06 mars, lors de sa présentation à la Chambre, le gouvernement obtint 390 voix contre 114, le reste des députés (plus de 150) ayant choisi l'abstention. Il promet de faire aboutir le projet d'impôt sur le revenu, de réformer l'école primaire pour qu'il devienne un enseignement technique et professionnel, la reprise partielle des projets de l'ancien gouvernement concernant les chemins de fer et la réintégration de certains cheminots et d'appliquer loyalement la loi sur les retraites et celle sur les congrégations religieuses.