Et le gouvernement chuta ...
(Le général Goiran, ministre de la guerre)
Lors d'une séance au Sénat, le général Goiran, questionnné à propos du commandement militaire en temps de guerre par M. de Tréveneuc avait cru bon d'affirmer qu'il se refusait à la nomination d'un générallissime ayant l'ensemble des armées sous ses ordres. Il estime qu'en temps de guerre, le gouvernement doit conserver la haute direction des opérations. Le ministre de la guerre, assisté du chef d'état-major général n'en sont que les exécutants.
Pourtant, on avait cru comprendre, jusqu'ici que le gouvernement, par la voie de l'ancien ministre de la guerre Maurice Bertaux mort tragiquement tué lors du départ de la course aérienne Paris-Madrid, état favorable à la nomination d'un généralissime devant lequel le pouvoir civil s'effacerait pour diriger la guerre.
Aussi, à la Chambre, en ce 23 juin 1911, le ministre fut-il interpellé par Monsieur André Hesse, député de La Rochelle. M. Goiran dut à nouveau s'expliquer sur sa conception du commandement. Citant des propos tenus par son prédecesseur lors de la discussion sur le budget de la guerre en 1902, il reconnait la nécessité d'un commandant en chef agissant avec indépendance, mais il réaffirme que la coordination des opérations sur les différents théâtres d'opération appartient au ministre de la guerre et au gouvernement, le reste de ses explications se perdant dans ce qu'un journal appelle "une indifférence hostile".
Restait à passer au vote de l'ordre du jour.
Plusieurs motions s'affrontaient.
Celles de l'amiral Bienaimé et du commandant Driant demandant une nouvelle organisation du haut commandement, celle de Messieurs Camille Picard, Félix Chautemps, Viard et Cazauvieilh qui exprime la confiance dans les déclarations du gouvernement, celle de Monsieur de Montebello donnant confiance au gouvernement pour appliquer les décrets de 1888 et 1890 concernant le Conseil supérieur de la guerre et celle d'André Hesse demandant le passage à l'ordre du jour pur et simple.
C'est alors que Monsieur Antoine Perrier, ministre de la justice, numéro 2 du gouvernement en l'absence du président du Conseil toujours convalescent et après une discussion avec ses collègues, indique que le gouvernement refuse toute idée d'adoption de l'ordre du jour pur et simple.
Or, celui-ci est approuvé par la Chambre à 248 voix contre 224.
Moment de confusion, le gouvernement semble rester à sa place, aucun de ses membres ne fait de déclaration et le président de la séance, Monsieur Etienne, donne la parole à l'orateur suivant. C'est alors qu'un énorme vacarme grandit et contraint à lever la séance.
Lorsqu'elle reprend, les ministres ne sont plus là mais à une réunion avec le président du Conseil au ministère de l'intérieur suite à laquelle le gouvernement se déclare démissionnaire. Le président de la République, en voyage officiel à Rouen, est aussitôt averti par télégraphie.
C'est à Joseph Caillaux, homme politique expérimenté et déjà plusieurs fois ministre, notamment des finances, que le président devait confier le soin de former le nouveau ministère qui fut annoncé le 27 juin.
Président du Conseil, ministre de l'intérieur et des cultes: Joseph Caillaux
Ministre de la justice: Jean Cruppi
Ministre des affaires étrangères: Justin de Selves
Ministre des finances: Louis-Lucien Klotz
Ministre de la guerre: Adolphe Messimy
Ministre de la marine: Théophile Delcassé
Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts: Théodore Steeg
Ministre des travaux publics, postes et télégraphes: Victor Augagneur
Ministre du commerce et de l'industrie: Maurice Couyba
Ministre de l'agriculture: Jules Pams
Ministre des colonies: Albert Lebrun
Ministre du travail et de la prévoyance sociale: René Renoult
Sous-secrétaire d'état:
- à l'intérieur et aux cultes: Louis Malvy
- aux finances: René Besnard
- aux Beaux-Arts: Henri Dujardin-Beaumetz
- aux postes et télégraphes: Charles Chaumet
Dans la continuité du gouvernement précédent, le nouveau gouvernement entend régler définitivement la question des cheminots révoqués sous le gouvernement Briand, soit en facilitant leur réintégration, soit en en leur versant des pensions. Par ailleurs, il se montre favorable à la représentation proportionnelle.
Concernant la question qui avait provoqué la chute du gouvernement Monis, il se déclare favorable à la nomination d'un généralissime, désigné d'avance afin qu'il se prépare aux tâches qu'il aura éventuellement à accomplir.
Enfin, il proclame son intention de faire aboutir le projet d'impôt sur le revenu.
A l'issue de sa présentation devant la Chambre, le gouvernement obtint la confiance par 367 voix contre 173.