Pour en finir avec le transgressif bas-de-gamme
Au-delà de l'anecdote de la destruction de ce que certains qualifient d'œuvre d'art par un groupe de catholiques intégristes ou de l'inique décision de justice qui, paradoxalement donne raison à ceux qui ont agi par la violence, puisque ceux qui ont choisi l'interrogation légitime par la voie de la justice se sont vus condamnés pour procédure abusive ! comme si la photo de Serrano allait de soi, c'est toute la question du permis et de l'interdit qui se pose.
Certes, le curseur varie selon les époques, les individus, les sociétés, mais il me semble tout de même que certaines limites n'ont pas à être franchies sous peine d'inciter la société toute entière à ne plus rien respecter.
Comment ne pas considérer comme un presque sacrilège cette photo d'un crucifix plongé dans un verre d'urine ? et je le dis avec d'autant plus de force que, par ailleurs, étant d'un ardent laïcisme - je considère que tous les signes religieux ostensibles (hors vêtements liturgiques des différents hommes de religion marquant la fonction) et pas seulement le voile intégral devraient être interdits dans l'espace public - on ne pourra m'accuser d'être un chaud partisan des responsables de cet acte violent.
Evidemment, personne ne réagit parce que ce sont les chrétiens qui ont été la cible de cette infamie qui n'a même pas l'excuse de l'humour, de l'ironie ou du talent. On trouve même de bonnes âmes pour s'extasier devant ce "chef-d'œuvre" qui vaut bien les propos vomitoires de Céline sur les juifs et qui témoigne d'une certaine christianophobie dont, par ailleurs notre justice, comme je le disais plus haut, vient de donner le plus bel exemple !
Mais ceux qui soutiennent cette "œuvre d'art" diraient-ils la même chose si l'on avait agi ainsi et trempé dans l'urine la Déclaration des droits de l'Homme, l'étoile de David, le portrait de Barak Obama, d'Anne Frank, de de Gaulle de Mitterrand ou de DSK pour ensuite les exposer dans une musée comme œuvre d'art ?
Ce n'est pas parce qu'on est contre une religion ou anti-religieux - et encore, ce n'est même pas le cas du photographe - que l'on doive pour autant s'attaquer à ses symboles de façon aussi infecte. C'est juste une question de respect et d'acceptation du vivre-ensemble.
Comment vouloir à la fois expliquer à nos jeunes que, dans nos sociétés, il y a des limites à respecter, des devoirs, des règles de savoir-vivre, que toutes les religions on droit à un égal respect et, lorsqu'on en a l'occasion, nous, adultes, leur envoyer comme message que, justement, tout cela n'est que du prêchi-prêcha républicain que l'on s'empresse de bafouer impunément ? Après tout, brûler une voiture n'est-il pas aussi artistique, - "c'est de l'art fumatoire M'sieur !" - que de plonger un crucifix dans la pisse ou que d'essuyer son cul sur le drapeau français ?
D'ailleurs, quand on voit qu’une personne qui brûle et urine sur un coran prend 3 mois de prison avec sursis et qu’une autre pour avoir photographié un Christ plongé dans l’urine à les honneurs d’une exposition, on est obligé de se dire qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.
La transgression est un art, elle ne doit pas devenir une banalité. Or, de plus en plus, on nous produit de la transgression facile, du bas-de-gamme pour consommateur de masse, comme ici ou comme l'affiche idiote pour la GP finalement retirée devant le concert de protestations qu'elle a soulevé à juste titre.
Bien sûr, certains vont encore s'élever contre la "police de la pensée" qui voudrait tout censurer, serait insensible à l'art, archaïque, ringarde ... et il est même fort possible - parce qu'on arrête pas les tendances lourdes de l'évolution des sociétés - que cette "art transgressif-beauf" devienne du pipi-de-chat par rapport à ce que l'on sera capable de produire d'encore plus ignominieux dans 5 ou 10 ans, il n'en reste pas moins qu'à travers nos choix de censure ou de non-censure, se pose la question de la société que nous voulons laisser pour demain à nos enfants et petits-enfants: celle du respect et de la tolérance ou celle du transgressif permanent et de l'intolérance devenue légaux au nom de la liberté d'expression ?
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