Un début d'année politique 1913 sur les chapeaux de roues
(Raymond Poincaré, élu président de la République le 17 janvier 1913)
L'année 1913 est à peine entamée que l'actualité politique française tourne déjà à plein régime.
Elle commence, tout d'abord, par la démission, le 12 janvier, du ministre de la guerre, Alexandre Millerand, suite à la parution au journal officiel de la nomination au grade de lieutenant-colonel dans l'armée territoriale de l'ancien lieutenant-colonel d'infanterie, du Paty de Clam, qui avait été mis à la retraite en 1900 à raison de son rôle dans l'affaire Dreyfus. Le ministre eut beau faire valoir qu'il ne s'agissait que d'un acte purement administratif et qu'il ne faisait qu'honorer une promesse de son prédecesseur, rien n'y fit; devant l'émoi d'une partie des députés et le refus du gouvernement d'être solidaire du ministre, il dut remettre sa démission. C'est son collègue des colonies, Albert Lebrun qui lui succéda, tandis que le sous-secrétaire d'Etat aux finances, René Besnard, était promu aux colonies.
Ensuite, prélude à l'élection présidentielle, elle se poursuit par l'élection des présidents et des bureaux des deux assemblées: la délégation des gauches ayant choisi de ne pas lui opposer d'adversaire, Paul Deschanel est réélu président de la Chambre des députés avec 345 voix, contre 61 au socialiste Edouard Vaillant et 96 bulletins blancs; Antonin Dubost est, de son côté, réélu président du Sénat avec 221 voix sur 272. Monsieur Klotz, ministre des finances, profita de cette séance inaugurale pour déposer un projet de loi concernant la déclassification des fortifications de Paris.
Elle continue avec la réunion de l'assemblée plénière des gauches au Luxembourg afin de choisir leur candidat au scrutin présidentiel qui doit se tenir le sur-lendemain. A l'issue d'un premier tour incertain, Poincaré, président du Conseil et candidat des modérés, obtint 180 voix, Jules Pams, ministre de l'agriculture et candidat soutenu par les radicaux 174 voix, Antonin Dubost 107, Paul Deschanel 83, Alexandre Ribot, ancien ministre et ancien président du Conseil 52, Jean Dupuy, ancien ministre et directeur du Petit Parisien 22. Les autres noms qui remportèrent quelques bulletins furent ceux de Delcassé, Forichon, Clémenceau, Stephen Pichon et Delaroche-Vernet. Aucun n'ayant atteint la majorité absolue, un deuxième tour fut organisé qui donna les résultats suivants: Pams 283 voix, Poincaré 272, Ribot 25, Deschanel 22, Dubost 8, Dupuy 7, Delcassé 3. Le troisième tour, organisé le lendemain ne permit pas davantage d'atteindre cette majorité: Jules Pams avec 323 voix la manqua d'une voix, Poincaré eut 309 voix, Ribot 11, Delcassé 2 et Deschanel 1. Malgré les démarches insistantes des radicaux, Poincaré refusa de retirer sa candidature au profit du seul Jules Pams et c'est ainsi que le lendemain, 17 janvier, au Congrès, à Versailles, les gauches, divisées, présentèrent deux candidats à l'élection présidentielle. Au 1er tour, sur 873 votants (868 exprimés), Poincaré rassembla 429 voix, Pams 327, le socialiste Vaillant 63, Deschanel 18, Ribot 16, le restant se perdant en bulletins blancs et divers. A l'issue du 2ème tour (870 votants, 859 exprimés), Poincaré fut élu avec 483 voix contre 296 à Pams, 69 à Vaillant, 8 à Ribot, 3 à Millerand et 11 blancs et nuls.
Elle se termine par la formation d'un nouveau gouvernement dont la direction est confiée à Aristide Briand qui, durant le Congrès à Versailles, s'était montré l'un des plus ardents partisans de l'élection de Poincaré à la présidence. Appelé à former le gouvernement par le président Fallières, le décret de nomination, publié le 22 au journal officiel mais portant la date de la veille, est co-signé des présidents Fallières et Poincaré.
Il est composé ainsi:
- président du Conseil et ministre de l'intérieur: Aristide Briand
- ministre de la guerre: Eugène Etienne
- ministre de l'instruction publique et des beaux-arts: Théodore Steeg
- ministre de la justice: Louis Barthou
- ministre de la marine: Pierre Baudin
- ministre de l'agriculture: Fernand David
- ministre des finances: Louis-Lucien Klotz
- ministre des travaux publics, postes et télégraphes: Jean Dupuy
- ministre du commerce et de l'industrie: Gabriel Guist'hau
- ministre des colonies: Jean Morel
- ministre du travail et de la prévoyance sociale: René Besnard
Sous-secrétaires d'Etat:
- à la présidence du Conseil et à l'intérieur: Paul Morel
- aux finances: Elisée Bourely
- chargé des beaux-arts: Léon Bérard
- chargé des postes et télégraphes: Charles Chaumet
Le nouveau gouvernement, dans une déclaration approuvée à la Chambre par 324 voix contre 77, affirme se placer dans la continuité du précédent gouvernement. Ainsi, il entend poursuivre l'examen de la réforme électorale visant à instituer la proportionnelle, poursuivre la marche vers l'impôt sur le revenu et établir un nouveau statut des fonctionnaires, tous vieux serpents de mer sur lesquels aucun des gouvernements précédents n'a jamais abouti à rien.