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Macronisme ou néo-bonapartisme ?

14 Juin 2017 Publié dans #C'est juste mon avis

Si en privé, comme l'affirment certains journalistes, Emmanuel Macron se compare à Jupiter, maître de l'univers, les bases de sa pratique gouvernementale sont plutôt à rechercher dans le vieux fonds bonapartiste où il emprunte abondamment aux registres du Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte (Napoléon III) et de son illustre oncle (Napoléon Ier) dont il a certainement lu la biographie rédigée par Max Gallo tellement certaines de ses attitudes (notamment cette façon théâtrale de se mettre en scène, comme dans l'après-crise des Gilets jaunes où il a confondu politique et one-man-show) correspondent trait pour trait au Napoléon de l'écrivain. Ne parlons pas de son projet de réforme des institutions qui visait à réduire encore un peu plus l'espace de liberté des parlementaires et qui était plus ou moins puisé au vieux fonds du bonapartisme autoritaire destiné à transformer la démocratie en canada-dry de démocratie.

Emprunté aussi au vieux fond commun du bonapartisme et des ennemis de la République le thème classique de la ringardise du clivage gauche-droite au profit d'un "ni gauche, ni droite" qui incarnerait la modernité et la fin des luttes politiques stériles et l'affirmation de la stérilité de tout débat, une perte de temps inutile portée par des "Gaulois réfractaires" qui empêchent l'adoption de mesures présentées comme urgemment salutaires. Napoléon, premier du nom, au sortir de la Révolution et du Directoire ne tenait pas un autre langage.

Ajoutons à cela la symbolique de sa prise de fonction au sein du Musée Napoléon (le Louvre) aux pieds de sa pyramide de verre, reflet subliminal de celles de la campagne d'Egypte, sa constance volonté d'anéantir toute forme d'opposition et de restaurer l'extrême centralisme impérial et sa majorité de faux-culs sans scrupules, recrutée dans tous les bords politiques parmi les "bouffeurs de gamelles" et d'abord préoccupés de conserver leurs rangs, leurs titres et leurs places, ce qui n'est pas sans rappeler les gros bataillons de girouettes ralliées par intérêt à l'oncle puis au neveu, c'est peu de dire que les liens entre macronisme et bonapartisme sont patents.

Certes, il emprunte ses mots et ses valeurs à la République, mais c'est pour mieux les étrangler ou les rabougrir à l'aune de l'idéologie bâtarde du bonapartisme, économiquement conservatrice et ultra-libérale (ce qui n'est pas sans rappeler les liens entre Napoléon III et les Saints-Simoniens promoteurs du libre-échange), socialement entrouverte à une certaine forme de démagogie primaire si ça peut lui rapporter des voix (suppression de la taxe d'habitation, PMA, campagnes de dénigrement des fonctionnaires et agents publics organisées par le président et le pouvoir lui-même pour justifier leur suppression massive et la privatisation de pans entiers du secteur public...) ce qui pourtant ne lui donne pas la fibre sociale d'un Napoléon III pour autant et politiquement hostile à une trop grande liberté d'expression. Toute idée ou toute pensée contraire à la sienne est, en effet, immanquablement disqualifiée par avance et taxée de "fake news" tandis qu'une vaste cohorte de journalistes bassement complaisants quand ils ne jouent pas les aimables plantes vertes juste capables de répéter les communiqués de l'Elysée comme la brave Lapix, se font fort de seconder le gouvernement en toutes circonstances (leur attitude servile durant toute la crise de la covid de mars à juin 2020 a été, à cet égard, confondant de bêtise tellement ils ont été, jusqu'à l'extrême, les piteux perroquets du pouvoir, par exemple sur l'utilité ou pas de porter un masque; on n'en dira pas mieux d'ailleurs de certains scientifiques qui sont venus sciemment mentir sur les plateaux de télé préférant être les laquais du pouvoir que d'être au service de la santé des Français).

Cette extrême rigidité et cette volonté de casser toute forme organisationnelle d'opposition, associée à des expressions et des attitudes de mépris et de fatuité déjà largement repérées et dénoncées bien avant sa candidature à l'Elysée (voir les "illettrées de chez Gad"), ne sont sans doute pas étrangères à l'éclatement de la crise des Gilets jaunes ni à sa prolongation et à sa radicalisation dans le temps. Napoléon Ier prétendait ne pas vouloir être "l'empereur de la canaille" et il a été bien clair que ce n'était pas plus l'intention de son lointain successeur à la tête de l'Etat. L'effet a été désastreux pour la police et les forces de l'ordre qui ont semblé être bien plus, en ces heures dramatiques, la police d'un homme qu'une police au service de la Nation et si les Gilets jaunes n'ont pas toujours été des enfants de chœur, la police s'y est aussi gravement sali les mains, paraissant souvent, probablement sur ordre, chercher la provocation pour déclencher des réactions hostiles justifiant de taper sur les manifestants et blessant gravement d'authentiques manifestants pacifiques. Au final, son image - je parle de celle de la police - en est sortie profondément aggravée, ce qui rend d'autant plus crédibles les images de bavures récurrentes qu'on lui attribue. C'est une catastrophe dont elle aura sans doute du mal à se relever.

On dit souvent que l'affaire Benalla a été un révélateur pour les Français de l'extrême mépris du président pour eux; en fait, tout observateur attentif aurait pu le remarquer déjà avec l'extrême rigidité du pouvoir dans la crise du Lévothyrox où Buzyn niait tout en bloc avec une extrême dureté malgré les évidences et aurait pu remarquer aussi qu'aucune leçon véritable n'en n'avait été tirée, comme par exemple avec "l'école de la confiance" de Blanquer qui a été une véritable loi de mépris et de défiance visant à réprimer toute expression divergente au sein de l'Education nationale (une loi qui n'est peut-être pas étrangère au suicide de Christine Renon, cette directrice d'école qui n'a plus eu que ce seul moyen d'expression pour se faire entendre) ou avec l'extrême rigidité du pouvoir durant la crise de la réforme des retraites qui a été à l'origine d'affrontements bien plus graves et prolongés que si le pouvoir s'était montré plus souple. Jusqu'à récemment encore - et le large soutien dont elle a bénéficié du président est un signe qui démontre encore une fois combien il est inquiétant d'avoir un président psycho-rigide qui n'écoute pas même s'il prétend le contraire -, Sibeth N'Diaye en a été l'expression jusqu'à la caricature. Son très long maintien à un poste où elle n'a cessé d'accumuler gaffes et bourdes (on aurait pu aussi parler longuement de Castaner) n'a pu être possible que par le long mépris affiché par le pouvoir face aux "bouseux", aux "Français qui ne sont rien".

L'autre grand trait inquiétant du président et qui se reflète aussi beaucoup chez Blanquer, c'est une tendance hyperbolique à l'auto-satisfaction. Parfois, ça vire même à la bêtise crasse comme dans l'affaire de la continuité pédagogique où sans les enseignants qui ont gracieusement mis au service de l'Education nationale leur propre matériel personnel, on ne voit pas comment, malgré toutes ses rodomontades télévisées (à croire qu'il doit s'emmerder ou qu'il se tourne les pousses au ministère à être si souvent à la radio et à la télé), Blanquer aurait pu s'en tirer ou dans l'affaire des aides européennes suite à la première crise de la covid (je dis première parce que rien n'indique qu'un deuxième est absolument exclue) où Macron s'est auto-couvert d'éloges alors qu'en vérité, il n'a obtenu de l'aide que contre un nouveau détricotage de l'UE, devant consentir de nombreux rabais sur leur contribution aux Pays-Bas, à l'Allemagne... consacrant en fait la victoire posthume de Margaret Thatcher ("I want my money back !"). 

Encore, si Macron et les siens avaient le sens du remerciement mais même pas ! Diviser, mépriser, ergoter, rabougrir reste le maître-mot de Macron et de ses affidés, même après la crise de la covid. Des milliards pour les plus grosses entreprises mais pas un radis pour offrir le moindre masque gratuit aux Français, une prime pour les personnels hospitaliers, mais pas tous, une prime pour certaines professions mobilisées durant cette crise mais pas toutes, une campagne anti-fonctionnaire qui a repris très vite, du gel maintenu du point d'indice au "prof-bashing" de fin mai - début juin 2020, si peu spontané qu'il y a quelques soupçons qu'il ait été orchestré depuis le ministère lui-même, des protocoles sanitaires qui vont d'allégements en allégements et un peu hors-sol (alors que la situation commence à devenir à nouveau alarmante, l'enseignement supérieur rend le masque optionnel - juste recommandé à la rentrée dans les facs - et Blanquer abolit le respect de la distanciation sociale dans les classes pour pouvoir y bourrer 29/30 élèves) parce que sauver l'économie vaut mieux que sauver des vies... Quant à l'argent promis par l'UE, on voit bien qu'il sert d'abord à faire de la dépense démagogique en faveur de tel ou tel lobby influent plutôt que de financer des dépenses productives d'avenir. En somme, l'argent de l'UE sert au pouvoir à faire financer sa pré-campagne présidentielle de 2022 par les fonds de l'UE !

Plus inquiétant encore, l'épisode qui fait suite l'explosion d'un complexe de stockage de produits chimiques et de munitions sur le port de Beyrouth, au Liban. Certes, il y la volonté, en courant au Liban ventre à terre, de s'attirer les faveurs des franco-libanais en vue de 2022, mais on ne peut que ressentir un malaise profond devant une attitude qui rappelle le "bon vieux temps des colonies". Personne n'a donc appris à Macron que le Liban n'est plus un territoire confié à la France par mandat de la SDN ? C'était méprisant, insultant, indigne du respect de la souveraineté d'un Etat étranger indépendant. Son attitude rappelait les pires heures de la colonisation française comme si la France considérait encore le Liban comme SA propriété. Cela montre en tout cas que désormais, on vit peut-être plus que jamais  à l'Elysée dans des rêveries fantasmatiques sans se soucier des réalités. Mitterrand, pour l'avoir oublié, y a laissé la vie de 58 soldats français dans l'attentat du drakkar en 1983.

En même temps, cela n'a rien d'étonnant quand on voit que le conseiller de moins en moins occulte du prince n'est autre que Sarkonaparte. Car, à bien y regarder, les travers du macronisme, sont, en encore plus aggravés, ceux qui étaient déjà largement perceptibles quand Sarkozy, cet autre bonapartiste, exerçait le pouvoir. On dit que Sarkozy a eu une énorme influence dans la composition du nouveau gouvernement. L'entourage présidentiel le nie. Pourtant, ce gouvernement a tout d'un gouvernement sorti de l'esprit passablement tordu de l'ancien président tellement il est composé de bric et de broc avec des personnes somme toute peu faites pour s'entendre sous l'autorité d'un premier ministre qui n'a que celle d'une huître, tandis que Darmanin, comme une sorte de mépris et d'insulte, a été nommé à l'intérieur comme s'il n'était visé par aucune plainte de harcèlement (que ce soit vrai ou faux, peu importe), que Dupont-Moretti (une véritable insulte aux magistrats et aux personnes hostiles à la chasse à courre et à la corrida) a sans doute été chargé de bloquer toute les affaires qui pourraient toucher le pouvoir (et elles commencent à être nombreuses) ou le fidèle Sarkozy, que Bachelot, qui vaut bien Sibeth N'Diaye, a été choisie pour séduire la communauté gay bobo parisienne, celle qui compte dans les médias, tout en tentant une approche auprès de l'électorat beauf des Grosses Têtes à l'humour graveleux. On veut ratisser large, pas sûr que, dans les mois qui viennent, tous ces gens-là soient bien solidaires entre eux, surtout avec des ministres qui ont une bien plus forte personnalité que Castex dont le discours n'imprime pas.

Macron pense ainsi, en contrôlant tout et en entretenant les divisions entre les Français (Orban, Poutine ou Erdogan sont sans doute regardés comme des modèles d'inspiration à occidentaliser dans le cadre d'un régime démocratique et personne n'a oublié que si le suffrage était bien resté universel sous Napoléon III comme chez les trois compères sus-cités, le Second Empire n'avait rien d'une démocratie), empêcher toute émergence de toute opposition consistante capable de le battre en 2022, sinon sur les marges extrêmes afin qu'elles servent de repoussoirs électoraux. Il n'est cependant pas à l'abri d'une réaction violente du peuple français, soit qu'il boude massivement les urnes comme lors des législatives de 2017 ou les municipales de 2020 qui, par les conditions dans lesquelles elles se sont déroulées, resteront une honte pour la démocratie; soit qu'il se mettre à jouer la politique du pire et là... Mais comme la nature a horreur du vide et que Macron ne vit que par le vide qu'il crée autour de lui, on ne peut répondre de rien.

Le rêve napoléonien s'est écroulé dans les plaines de Russie et à Waterloo avec Napoléon Ier et dans le désastre de Sedan avec Napoléon III; où, quand, comment se fracassera le néo-bonapartisme à la sauce Sarkozy-Macron ? Si le rejet du président et du macronisme se révèlent plus fort que tout le reste, je ne donne pas cher de lui en 2022, quoiqu'il en pense et quelque tentative qu'il fasse pour briser les oppositions.

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