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La parole du président à l'Assemblée (bref rappel historique)

22 Juillet 2008 Publié dans #Quelques articles historiques

Comme nos journalistes ne semblent décidément pas très compétents en matière d'histoire et comme, en plus, ils n'invitent jamais d'historiens sérieux sur leurs plateaux pour rétablir la vérité historique, je vais donc, ce soir, revenir sur un point de la réforme des institutions votée hier: la prise de parole du Président devant l'Assemblée:

comment la France en était-elle venue à supprimer ce droit au Président de la République de venir s'exprimer directement devant la représentation nationale ?

En fait, ce sont les monarchistes, majoritaires à l'Assemblée Nationale en 1873, qui décident de réduire fortement le droit du président Adolphe Thiers, rallié à la République, de s'exprimer devant l'Assemblée (loi du 13 mars 1873) afin de réduire son influence sur la chambre.
  Les interventions orales du président sont ainsi codifiées selon une procédure que Thiers qualifiera de «"cérémonial chinois" :
 
- Ses interventions étaient plus rares en raison de formalités préliminaires : il ne peut intervenir que dans les débats de politique extérieure ; en matière de politique intérieure, le Chef de l'État ne peut qu'exceptionnellement intervenir ; mais il faut pour cela que par une délibération spéciale communiquée par le vice-président du Conseil des ministres à l'Assemblée avant l'ouverture de la discussion, le Conseil des ministres déclare que les questions soulevées se rattachent à la politique générale du gouvernement et engagent ainsi la responsabilité du Président de la République. Ce dernier peut alors prendre la parole, mais à la condition d'observer les formes mises à son intervention dans la discussion des lois : le Président ne peut intervenir dans la discussion d'une loi qu'après avoir, dans un message, informé l'Assemblée de son intention ; la discussion est interrompue par l'arrivée du message et le Président ne peut, en principe, être entendu que le lendemain.  
 
- Ses interventions étaient moins efficaces en raison de la disposition prescrivant qu'aussitôt après le discours du Président, la séance était levée et que la discussion ne pouvait être reprise qu'à une séance ultérieure. Thiers n'avait droit qu'au monologue.  
 
C'est finalement l'article 6 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 (une des lois qui fondent la IIIè République) qui fixe la règle qui était encore la nôtre jusqu'à présent:  
  "Article 6.  
Le président de la République communique avec les chambres par des messages qui sont lus à la tribune par un ministre".

La réforme qui a été votée rend au Président des pouvoirs dont il ne jouissait plus depuis 1873 et surtout depuis 1875 :

" L’article 18 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote. »".

Pour le meilleur ou pour le pire? seul l'avenir le dira, tant il est vrai que comptent moins les textes que l'usage que l'on en fait; c'est encore plus vrai des textes constitutionnels.

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H
Les textes comptent moins que l'usage que l'on en fait...Nous voila bien !
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H
Voilà une bonne chose. J'ai toujours trouvé anormal que le chef de l'Etat ne puisse pas s'exprimer devant l'Assemblée.
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L
Tiens, c'est bizarre, j'étais persuadé que l'interdiction faite au chef de l'Etat de s'exprimer devant les assemblées remontait en fait à la Révolution pour empêcher la tenue des lits de justice tels qu'ils étaient pratiqués sous l'Ancien Régime.  J'ai encore dû me mélanger tous les pinceaux de mes livres d'histoire... pffff
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J
<br /> La Constitution de 1791 prévoyait quelque chose proche de ce que l'on appelle le discours du trône en Angleterre:<br /> <br /> <br /> "Section IV. - Relations du Corps législatif avec le roi.<br /> Article 1. - Lorsque le Corps législatif est définitivement constitué, il envoie au roi une députation pour l'en instruire. Le roi peut chaque année faire l'ouverture de la session, et proposer<br /> les objets qu'il croit devoir être pris en considération pendant le cours de cette session, sans néanmoins que cette formalité puisse être considérée comme nécessaire à l'activité du Corps<br /> législatif.<br /> Article 6. - Toutes les fois que le roi se rendra au lieu des séances du Corps législatif, il sera reçu et reconduit par une députation ; il ne pourra être accompagné dans l'intérieur de la<br /> salle que par le prince royal et par les ministres.<br /> Article 8. - Le Corps législatif cessera d'être corps délibérant, tant que le roi sera présent."<br /> <br /> Cette tradition devait peu ou prou marquer les régimes monarchiques, quels que soient leur forme entre 1804 et 1848.<br /> Rappelons que c'est le droit d'adresse en réponse au discours du trône en 1830 qui est à l'origine du refus de Charles X de s'y plier qui est à l'origine, plus ou moins des Trois Glorieuses.<br /> <br /> Il faut attendre un article de la constitution de la IIè République pour que le Président soit privé de ce droit : "Article 52. - Il présente, chaque année, par un message, à l'Assemblée<br /> nationale, l'exposé de l'état général des affaires de la République" qui fut repris dans les lois constitutionnelles en 1875 après les péripéties que j'évoque dans mon article.<br /> <br /> <br /> <br />
C
La loi et l'esprit de la loi.Il parle et il se barre!Ca ira très bien au nabot, ça!Merci pour ton article et tes références historiques précises.
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